vendredi 16 avril 2010

La révolte gronde contre le Sapsan, premier train à grande vitesse de Russie

"SAINT-PÉTERSBOURG — Jets de pierres, tirs de fusil, sabotage des caténaires: la révolte gronde le long de la voie ferrée reliant Moscou à Saint-Pétersbourg contre le Sapsan, le premier train russe à grande vitesse, vu par les riverains comme un "train pour les riches".

Inauguré il y a à peine quatre mois, ce train ultra-moderne qui relie les deux principales villes de Russie en 3H45, contre des trajets allant de 4H30 à plus de huit heures, a déjà été la cible de pas moins de quatorze actes de vandalisme, recense la RZD, la compagnie de chemins de fer du pays.

En janvier, un habitant de Leontievo, village de la région de Tver situé sur le trajet, a ainsi jeté un bloc de glace contre un wagon, brisant une de ses vitres. Il a justifié son geste comme une vengeance, après avoir été renversé par le souffle du train qui fait des pointes allant jusqu'à 250 km/heure.

En avril, deux hommes de la région de Léningrad, qui avaient tiré dessus au fusil, ont été arrêtés par la police.

Et cette semaine, une enquête a été ouverte après l'endommagement d'une caténaire, causant une coupure d'électricité et l'interruption du trafic pendant plusieurs heures.

La colère enfle parmi les riverains, excédés par les nuisances occasionnées et l'absence de règles de sécurité, alors que le train circule sur les voies traditionnelles, loin d'être adaptées à une telle vitesse.

Entre trois et sept personnes sont décédées dans les régions de Novgorod et de Tver au cours des quatre derniers mois, a rapporté jeudi Alexandre Brevnov, responsable de la police locale des transports, cité par des médias locaux.

"A Ouglovka, j'ai vu des gerbes de fleurs posées le long du chemin de fer en mémoire de deux personnes mortes à cause du Sapsan", raconte à l'AFP Tatiana Khrolenko, une retraitée de 70 ans qui possède une maison à la campagne dans ce village situé à 400 km de Saint-Pétersbourg.

Les riverains sont aussi furieux de voir que plusieurs autres trains, dont l'omnibus bon marché Iounost, ont été supprimés avec la mise en circulation du Sapsan, posant des problèmes de déplacement aux habitants des localités traversées.

L'internaute, "aart", raconte sur son blog une telle mésaventure, apprenant une fois arrivé à la gare de Skhodnia avec son enfant, que trois trains électriques avaient été retirés des horaires.

"Il a fallu attendre une heure dans le froid, et l'enfant est tombé malade. La prochaine fois si je vois que le Sapsan s'approche, je prendrai une pierre", assure-t-il.

"Le Sapsan est évidemment un train pour l'élite, pour ceux qui ont les moyens de payer plus de 2.000 roubles (plus de 60 dollars, ndlr) pour un billet", lance Mme Khrolenko. Le coût d'un aller simple varie entre 115 dollars en seconde classe et 175 dollars en première classe.

Mais "personne n'a pensé à ceux qui vivent entre Moscou et Saint-Pétersbourg et qui ont besoin de voyager eux aussi", regrette-t-elle.

"Jeter des pierres contre le train, c'est sans doute barbare, mais c'est le seul moyen pour ces gens de montrer leur mécontentement et attirer l'attention sur leurs problèmes. Les autres moyens, plus civilisés, sont souvent vains", estime-t-elle.

Toutefois, pour Anatoli Osnitski, directeur d'un centre de psychologie et psychothérapie à Saint-Pétersbourg, la haine suscitée par le Sapsan n'est pas uniquement due aux nuisances qu'il occasionne.

"Pour certains habitants des localités entre Moscou et Saint-Pétersbourg, le Sapsan est le symbole de la réussite", dit-il à l'AFP. Et cette réussite irrite ceux qui comparent la vie des passagers à la leur, conclut-il."

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