" Dérapage. Elle traçait un tag.
«Rien ne sert de courir, il faut jouir à point !» C’est ce tag tracé à la bombe rose fluo sur le rideau de fer d’une boutique de la rue du Taur qui a mis le feu aux poudres hier, vers 22 heures, lors de la marche des femmes organisée par un collectif féministe : à peine ces quelques lignes tracées, la manifestante a été interpellée de façon musclée par les policiers en plein cortège. Une interpellation qui a soulevé l’indignation générale.
Partie à 21 heures d’Arnaud-Bernard, la manifestation, organisée à Toulouse depuis plusieurs années pour dénoncer les violences faites aux femmes dans le cadre de la Journée internationale du 8 mars, s’était jusqu’à présent déroulée sans le moindre incident. Dans le cortège, non mixte, composée de deux cents femmes, l’une d’elles collait des affichettes ça et là et traçait quelques tags.
Une fois l’inscription de la rue du Taur tracée, les choses ont basculé. Une manifestante, témoin direct, raconte : «Elle a tout de suite été jetée à terre très violemment, sur le dos, par des policiers. Ils ont alors sorti des matraques et menacé tout le monde avec une grenade. Ils ont tapé sur tout ce qui bougeait. C’était impressionnant. Ça a choqué tout le monde. Surtout, ça ne méritait pas ça ! On a essayé de négocier. On a proposé qu’ils prennent son nom pour qu’elle aille plus tard au commissariat. On nous a répondu non. Tout ça est inouï !»
Manif devant le commissariat
Du coup, après l’interpellation, le cortège s’est dirigé jusqu’à l’hôtel de police, boulevard de l’Embouchure.
Situation surréaliste : à 22h30, deux cents femmes manifestaient en chantant devant un cordon de policiers. Sur le bord du canal, la circulation était bloquée. Dans le commissariat, la manifestante a été entendue sur ses tags nocturnes. Puis, elle est ressortie, vers 23h30, libre.
Les raisons d’un rassemblement
C’est sous un beau soleil d’hiver que samedi après-midi, la place du Capitole s’est transformée en agora géante. À l’appel d’un collectif de vingt-cinq associations et pour célébrer la troisième Marche Mondiale des Femmes, elles ont revendiqué ce qu’elles considèrent être leurs droits fondamentaux : comme s’habiller comme elles veulent, par exemple, ou sortir la nuit dans la rue. «La condition des femmes régresse, note Pascale Lefebvre, présidente du Planning Familial 31. On parle beaucoup, et c’est justifié, de la violence faite aux femmes, de l’inégalité professionnelle, mais il y a un autre recul dramatique : certaines femmes se retrouvent stigmatisées simplement parce qu’elles portent une jupe, des talons ou un décolleté.» Une situation, selon cette militante, qui ne pourra s’améliorer que par le biais de l’éducation et de la formation : «On ne construira rien de valable sans les uns et les autres. C’est pour cela qu’on intervient dans les écoles, les foyers.»
Trop de sexisme
En musique et banderoles déployées, le collectif Sud Étudiant se fait entendre : Sophie a 22 ans. Sans trop vouloir s’épancher, elle avoue : «Mettre une jupe devient parfois galère, on est regardé différemment qu’avec un pantalon. Idem pour le maquillage.»
La jeune fille ajoute : «Sortir le soir est devenu parfois difficile pour une femme alors que nos mères se sont battues pour que nous puissions évoluer librement.» Nathalie Breda, responsable du mouvement «Osez le féminisme 31», relève : «La publicité, les journaux incitent les femmes à s’habiller féminine comme ils disent et en même temps, on les montre parfois du doigt quand elles sont trop sexy. Les femmes fixent-elles les hommes qui se baladent dans leur jean ultra-moulant ?» Selon elle, le retour du machisme, des valeurs morales et du religieux — toutes confessions confondues —, menace les acquis des femmes (IVG, Planning familial).
Martine, 59 ans, de l’association la Marche Mondiale des Femmes, conclut : «Nous avons été la génération des avancées. Mes petites-filles sont celles du recul.»
Leur presse (La Dépêche), 7 mars 2010. "
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