mercredi 15 juin 2011

Désir et besoin d’insurrection

"« Quelque chose doit changer », entend-on dire. Les insurrections dans le monde arabe et la catastrophe nucléaire au Japon ont réveillé à nouveau la conscience, d‘une part de la possibilité, d‘autre part de la nécessité de se révolter contre les intérêts des puissants. Mais ne nous faisons pas d‘illusions : ce « quelque chose », ne signifie-t-il pas, plutôt que d‘éliminer, une fois pour toutes, toute forme d‘oppression, de simplement la rétablir sous la façade démocratique ? Ne signifie-t-il pas, plutôt que d‘arrêter, une fois pour toutes, le délire nucléaire, de seulement l‘enterrer sous des bavardages à propos de la sécurité et des besoins énergétiques, jusqu’à ce qu’on l‘oublie de nouveau ?

« Quelque chose doit changer ». Cela, ceux qui profitent de l‘oppression l‘ont également compris. Pour les États occidentaux, ce fut rapidement évident que les dictateurs nord-africains avec qui on secouait la main et ricanait devant les caméras récemment encore, ne pouvaient plus tenir. Ainsi, il leur semblait plus avantageux pour la stabilité du commerce du pétrole et de la gestion des flux migratoires de soutenir les leaders de l‘opposition démocratique – avec la force militaire si nécessaire. Ces nouveaux leaders, qui ont mis des revendications dans la bouche des insurgés, ont trompé ceux qui ont détruit les postes de police, les palais de justice, les prisons et les bureaux des partis, ils ont escroqué la liberté de ceux qui ont tout risqué tellement plein de rage, de joie, et de courage. Parce que la liberté, pour nous, commence par la suppression de toutes les structures de coercition et n‘a rien à faire ni avec la dictature, ni avec la démocratie, pas plus qu’avec n‘importe quelle forme d‘État, mais plutôt avec l‘absence de toute autorité : avec l‘auto-détermination immédiate de chaque moment de nos vies. Et de ça, au Maghreb comme ici en Suisse, nous sommes éloignés à mille lieues.

« Quelque chose doit changer », nous disent aussi les écologistes et les capitalistes verts. Ils veulent nous vendre les énergies renouvelables et les produits biologiques comme “alternative” au nucléaire et à la destruction de l‘environnement, alors qu’il ne faudrait pas toucher à la perpétuation de cette société foncièrement industrialisée. Ils veulent nous faire croire que ce monde, avec son immense production de marchandises, sa vitesse, sa pression de rendement et son avidité de profit, ce monde depuis toujours fondé sur l‘oppression et l‘exploitation de la vie serait un monde merveilleux, si seulement il était animé par des éoliennes et des panneaux solaires. Non, la question nucléaire n‘est pas une question énergétique. Nous n‘avons que faire de savoir comment ce monde pourrait être alimenté de manière alternative. Nous ne voulons de toute façon aucunement de lui. Ce qui nous intéresse, c‘est comment éliminer toute subordination de l‘homme, et pour cela, le nucléaire nous bloque le chemin – justement parce qu’il est tellement “indispensable” pour les intérêts des puissants et au besoin d‘expansion du capitalisme. Ce sont eux qui sont sensés faire tourner cette méga-machine écrasante. Même au prix de la contamination radioactive. Le nucléaire fait de nous les otages des experts, qui manient des choses que personne ne comprend, mais qui concernent tout le monde (on a assez vu à quel point à Tcheliabinsk, Three Mile Island, Tchernobyl, Tokaimura et jusqu’à Fukushima). Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire d‘attendre une catastrophe nucléaire ici pour nous révolter et affirmer à juste titre : « Les conditions de vie dominantes nous étouffent ! »

« Quelque chose doit changer », c‘est vrai. Mais si nous voulons vraiment que ça se passe, alors ce ne sera par rien d‘autre que par nos propres mains, par nous-mêmes, qui en avons marre de nous soumettre et de laisser les décisions aux autres, alors ce « quelque chose » ne sera pas seulement quelque chose, mais tout !

Le « printemps arabe » et la « tombée japonaise » ne remettent sur la table rien d‘autre que la possibilité et la nécessité d‘une vieille chose : la révolution sociale.

Nous ne voulons pas seulement la fin des dictatures.

Nous voulons la fin de tous les états, parce que la logique de l‘autorité, qu’elle soit fasciste, socialiste ou démocratique, nous empêche depuis toujours l‘expérience d‘une liberté réelle.

Nous ne voulons pas seulement l‘arrêt du nucléaire.

Nous voulons l‘arrêt de ce système, parce que ce sont nos modes de vie, nos valeurs, nos habitudes et notre indifférence qui produisent de telles monstruosités.
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Affiche, tract et source par là : http://non-fides.fr/?Desir-et-besoin-d-insurrection

Vu sur http://andiewaisendesexistierenden.noblogs.org/post/2011/05/31/drang-nach-aufstand/#more-1385