"Le Parisien, 05.01.2011, 21h10
L’inhumation de Mohammed Bouazizi s’est déroulée mercredi dans une ambiance tendue dans la région de Sidi Bouzid, en Tunisie. Le vendeur ambulant s’était immolé le 17 décembre après la saisie musclée de son étal de fruits et légumes qu’il vendait sans permis pour faire vivre les siens. Grièvement brûlé lors de sa tentative de suicide, le jeune homme de 26 ans est décédé mardi soir.
Il est devenu une symbole de la protestation. Son geste a déclenché un mouvement social dans de nombreuses villes de Tunisie.
Entre tristesse et colère, une foule estimée à 5 000 personnes a marché derrière son cortège funèbre en criant vengeance, jusqu’au cimetière de « Garaat Bennour », à 16 km de Sidi Bouzid, a rapporté à l’AFP Kamel Laabidi, un syndicaliste. « Adieu Mohamed nous te vengerons ! », « Nous te pleurons ce jour, nous ferons pleurer ceux qui ont causé ta perte », ont scandé les habitants. Ils ont aussi crié leur colère contre la cherté de la vie « qui a conduit Mohamed au suicide », répétant « Honte au gouvernement ! », selon le syndicaliste. Quelques manifestants ont également menacé de mettre fin à leurs jours.
Le chômage et la cherté de la vie au cœur des revendications
Le geste du jeune homme, présenté jusqu’ici comme diplômé de l’université, à tort selon un diplomate, avait provoqué des protestations qui ont ensuite dégénéré en affrontements entre la police et des habitants de Sidi Bouzid. Mais ce geste a également marqué le point de départ d’une vague de mécontentement plus générale, nourrie par le chômage, la cherté de la vie et le sentiment d’abandon des régions défavorisées.
Les troubles s’étaient multipliés dans plusieurs villes du pays et des manifestations de soutien ont été organisées à Tunis, la capitale. Trois autres personnes y ont trouvé la mort : deux manifestants ont été tués par balles à Menzel Bouzaiane, un autre jeune se serait également suicidé.
Un ministre et un gouverneur débarqués
Quelques jours après le début des affrontements, le ministre de Développement, Mohamed Nouri Jouini, s’était déplacé à Sidi Bouzid afin d’annoncer des mesures présidentielles pour la création d’emplois et le lancement de projets d’un montant de 15 millions de dinars, soit un peu moins de 7,8 millions d’euros (1 dinar= 0,52 euro). Cette mesure ne semble pas avoir calmé les esprits.
Conséquence aussi de ce mouvement, le ministre de la Communication, ainsi que le gouverneur de la région de Sidi Bouzid, avaient été débarqués par le président Bel Ali. Le Parti démocratique progressiste (opposition légale) avait de son côté appelé à mettre fin à la compagne d’arrestation et à l’ouverture d’un dialogue avec les composantes de la société civile et les jeunes chômeurs.
De Paris, Souhayr Belhassen, présidente de la Fédération internationale des ligues de droits de l’homme (FIDH) et du Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT) demande « une enquête ou une commission nationale pour déterminer les causes et les solutions à cette protestation sociale qui a pris des formes tragiques »."