"Algérie : multiplication des manifestations contre le mal de vivre
AFP - 6 janvier 2010
ALGER - La jeunesse est de nouveau descendue ces dernières heures dans les rues de plusieurs villes d’Algérie pour protester avec violence contre la vie chère, le manque de logements et le chômage dans ce pays riche en hydrocarbures.
Dans la nuit de mercredi à jeudi à Bab el Oued, un des grands quartiers populaires du vieux centre d’Alger, ce sont des dizaines de jeunes manifestants qui ont attaqué le commissariat local à coups de pierres. Ils ont également saccagé et incendié le magasin du concessionnaire de Renault réduisant en carcasses une dizaine de véhicules, a constaté un photographe de l’AFP.
Phénomène devenu classique : ils ont enflammé de vieux pneus pour couper la route aux renforts tout comme au même moment d’autres jeunes de la banlieue ouest, à Cheraga, avec la même revendication.
Lundi soir déjà, des milliers de jeunes avaient bloqué des routes de Tipaza (70 km à l’ouest d’Alger), pour dénoncer aussi leurs conditions de vie difficiles.
Et mercredi à Oran, à 430 km à l’ouest d’Alger, la tension était visible : des dizaines de jeunes ont brûlé des pneus, coupé les routes avec des troncs d’arbre et jeté des projectiles contre les automobilistes.
Le Quotidien d’Oran a rapporté jeudi que les jeunes avaient forcé un dépôt pour en voler des sacs de farine, au moment où le prix du pain est en hausse et qu’une pénurie de blé pointe.
Pourtant, depuis une semaine que des petits groupes dénoncent un peu partout leur mal de vivre, le gouvernement se veut rassurant. Mercredi, le ministre du Commerce Mustapha Benbada a affirmé que l’"Etat continuera à subventionner les produits" de première nécessité.
Il y a d’autres types de manifestations depuis des mois un peu partout dans le pays contre l’absence de logements sociaux, les passe-droits et la corruption. Dans le même temps, des bidonvilles illégaux sont rasés.
La presse s’est faite l’écho ces dernières semaines d’une série d’incidents violents, avec des blessés, autour de ces logements de fortune.
A l’aube de son troisième mandat, en 2009, le président Abdelaziz Bouteflika s’était engagé à construire un million d’appartements manquants depuis le séisme de 2003 et le triplement de la population (35,6 millions d’habitants) depuis l’indépendance en 1962.
10.000 habitations ont été livrées cette année à Alger.
Actuellement, 75% des Algériens ont moins de 30 ans et plus de 20% des jeunes sont chômeurs, selon le FMI.
Cette situation les fait fuir vers l’Europe. Faute de visas, ils partent à bord d’embarcations de fortune au risque de leur vie. Tous les mois, les tentatives de dizaines d’entre eux échouent mais il n’existe pas de statistiques fiables sur cette émigration.
Mohammed Saib Musette, sociologue du Centre de recherches de l’économie appliquée au développement (CREAD), a tiré jeudi la sonnette d’alarme. "Je crains que la situation s’embrase", a-t-il souligné à l’AFP, alors que le pays vit sous l’Etat d’urgence depuis la décennie noire anti-islamiste des années 90.
Même constat chez son collègue Nacer Djabi pour lequel ces événements "peuvent déraper" même si "les émeutes sont devenues un sport national en Algérie".
"Il y a un effet de contagion notamment quand on pense à ce qui se passe avec la Tunisie" où des manifestations violentes depuis décembre ont fait quatre morts, selon M. Musette, même si "la situation n’est pas semblable". "Il y a plus de libertés ici", compare-t-il, et "l’Algérie est un pays très riche" grâce à ses hydrocarbures.
Pour le sociologue Noureddine Hakiki, professeur à l’Université d’Alger, "ce qu’il faut c’est mettre un terme à l’assistanat de l’Etat. Les jeunes ont la vie facile et ils demandent plus"."
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