"Plusieurs témoignages recueillis le lundi 3 janvier auprès des
prisonniers du centre de rétention du Mesnil-Amelot qui est situé à coté
de l'aéroport de Roissy.
Le recueil et la diffusion de ces témoignages effectués plus ou moins
régulièrement depuis janvier 2008, début d'une période de révolte qui
durera 6 mois et aboutira à la destruction du centre de rétention de
Vincennes, a pour but de faire connaître ce qu'il se passe à l'intérieur
des centres à travers les propres récits des personnes qui y sont
prisonnières.
On peut joindre les étrangers sans papiers enfermés au centre de
rétention du Mesnil-Amelot en téléphonant sur les cabines publiques du
centre dont voilà quelques numéros :
Cabines du CRA : 01 49 47 02 48 / 01 49 47 02 84 / 01 49 47 02 40 / 01
49 47 02 50
1ère personne :
« Ce qui se passe à l’intérieur c’est comme d’ habitude, tout le monde
n’est pas content. La nourriture elle est pas bonne, la police elle
respecte pas les gens. On est comme des animaux. Non, comme des esclaves
modernes. Je me suis fait arrêter à Melun en sortant du travail vendredi
31 à 15h30. Je suis déjà allé en centre de rétention, c’était à
Vincennes en 2006. Hier tout le monde était content parce qu’on a écrit
une lettre à propos de la nourriture pour le chef du centre, tout le
monde a signé. On a écrit qu’on pouvait pas manger la nourriture, qu’on
est des esclaves modernes et tout et tout... Puis après on a commencé la
grève de la faim. Hier, on a pas mangé jusqu’à ce matin, mais cet
après-midi tout le monde y est retourné. Ils sont pas solidaires. Y’en a
qui ont dit qu’ils avaient faim, que si , que ça... Il y a plein de
policiers qui sont rentrés ( dans le réfectoire ) parce qu’il y avait du
bruit, ils ont dû croire qu’on se disputait avec les gens qui ne sont
pas solidaires. Y’a que la police partout et la justice nulle part, y’a
rien, y’a rien, y’a rien... »
2ème personne :
« Tu vois les conditions de vies ne sont pas nickel, ici ça caille, la
bouffe n’est pas suffisante ; on peut décrire plein d’autres choses : on
est maltraité. Il y a des personnes qui ont leur famille dehors, ils ont
leurs enfants. Il y en a un, il a une femme, elle est enceinte, elle est
de nationalité française, elle va accoucher d’ici une semaine, il
demande juste d’assister à l’accouchement de sa femme, pour faire
l’appel à la prière. Dans la religion musulmane, dès que l’enfant naît,
le père doit faire la prière à son enfant. Ils n’ont pas voulu. On n’est
pas bien ici. Il y a des chinois, des renois, des afghans, …, des
tunisiens, des algériens, des marocains, des égyptiens, ya tout ici.
Quand vous entrez chez le juge, vous n’avez même pas le droit de parler,
bonjour-quinze jours, t’as passé déjà quinze jours, tu retournes le
voir, re-bonjour, deuxième quinze jours. Il y a des gens qu’ont des
preuves, qu’ils sont là, ça fait 10 ans, 11 ans, 13 ans, ils paient
leurs impôts, ils ont leur promesse d’embauche, ils ont tout, ils ont un
bail en commun avec leur conjoint, ils ont toutes les preuves. Le feu
d’artifice le 31, c’était les voisins du village parce qu’ils savent
qu’il y a un centre de rétention là. C’était exprès pour les retenus.
Pour les soulager. Ils ont garés leur voiture, pour les clandestins, on
a fait la fête.
Je vais vous passer un collègue à moi, il est plus âgé que moi, et ça
fait quarante ans qu’il est en France, lui, il va bien s’exprimer avec
vous. »
3ème personne :
« Sans trop aller loin, je vais essayer de vous dire ce que nous
subissons normalement ici au centre de rétention. Déjà, pour des
situations qui sont ici, on a fait une requête. Aujourd’hui, on a fait
une petite manifestation, parce que les conditions de placement et, en
ce qui concerne l’hygiène, elle est totalement désastreuse. C’est pour
ça qu’on s’est organisé entre tous les gens qui sont retenus. On a fait
une pétition et on a déposé la requête auprès du chef, qui a dit qu’il
allait essayer de faire quelque chose, que machin. On a abordé le
consul. Il y avait plusieurs sujets qui se sont acheminés. On a commencé
déjà sur l’histoire de la répulsion . On n’est pas d’accord sur la façon
qu’ils sont en train d’écouter . Il y en a qu’ont des dossiers, ils sont
pas bien rédigés, donc ils ( les retenus ) essaient d’y passer le
dimanche sur certains dossiers . Ça fait 10 ans que je suis marié, avec
une femme ressortissante française, ça fait 10 ans que je suis en
France, j’ai un livret de famille en ma possession, l’acte de mariage en
ma possession. Mais le problème, c’est qu’il y a aussi des soucis de
santé et tout et tout, le problème est que mon état de santé ne me
permet pas d’être normalement dans un endroit pareil. Tout ça devrait
faire des vices de procédures. Mais il faut aider tous les gens qui sont
ici qui subissent ce qu’on appelle l’injustice. On a signé une pétition
et on a été reçu au chef. On a apporté les doléances qui concernent
l’enfermement et, comment dirais-je, la propreté des locaux, ce n’est
pas adapté pour les gens qui sont ici, des gens qui ont certaines
pathologies. Vous vous pouvez venir nous visiter là. On a une
communauté, on a des amis avec des papiers, ils ne peuvent pas être
mariés, avec des enfants, parce que normalement la loi française dit que
quand on est marié avec une femme française, normalement,
automatiquement, on délivre un titre de régularisation. Les gens au
centre de rétention, on est vraiment maltraité ici. Il y a des gens qui
ont des problèmes de santé, il n’y a pas d’hygiène ici, on dort dans des
locaux où ça pue. Donc ça, on l’a dit chez la capitaine, la chef. On a
été reçu à quatre collègues, on a dit ça.
Le problème c’est qu’à l’extérieur, vous ne pouvez pas voir la réalité
de tout ce qu’il se passe à l’intérieur. Voilà, ce qu’on est en train de
vivre ici, c’est de l’exploitation moderne, ça. Tout est cher ici, le
café est cher, c’est pas la loi ça, c’est interdit par la loi. Et puis,
à la fin, ils nous font comme des colis, ils nous renvoient dans des
pays où ils ont des problèmes graves. Ici, quand vous demandez l’asile,
il n’y a que des réponses négatives. Jamais j’ai vu quelqu’un ici
obtenir un statut de réfugié. Tout ça n’est pas respecté, ils essaient
de bafouer les lois. Ici, on n’est pas en détention, en détention on
perd les droits mais ici on est en rétention, donc on a notre droit . Si
on sort, on va écrire ça dans les médias, mais à l’heure actuelle, on a
un pied à l’extérieur et on a un pied à l’intérieur, c’est pas nous qui
décidons. Ils ne font pas valoir nos droits, c’est eux qui décident...
c’est l’argent, voilà. »
4ème personne :
« Moi ça fait deux mois que je suis marié avec une française et sur un
simple contrôle, à Villeparisis, ils m’ont mis en rétention. Ils ( au
tribunal administratif ) m’ont dit que j’allais être reconduit à la
frontière. Ils m’ont dit : « Monsieur vous êtes marié avec une femme
française mais vous avez pas le droit de rester ici en France ». La
préfecture m’a demandé une attestation qui dit que mon passeport est
bien valable encore trois mois. Le consulat d’ Algérie m’a délivré cette
attestation qui remplace le passeport et quand je le présente au
tribunal administratif, ils le refusent. Je n’ai pas compris. En plus de
ça, je leur ai dit que si je pars dans le centre ma femme et moi on sera
à la rue, puisqu’on a pas payé le loyer depuis quinze jours, depuis que
je suis ici. Ma femme est venue et elle a présenté l’original du livret
de famille à l’audience. Elle a dit « c’est mon mari, on s’est marié le
4 octobre 2010 à la mairie de Cergy » mais ils voulaient rien savoir,
rien entendre. Le juge n’a même pas regardé les papiers que j’ ai
fournis. En plus de ça dans le centre de rétention il y a des toilettes
insalubres. Il fait -5° et il n’y a pas de chauffage, les couvertures
sont sales. La nourriture est dégueulasse même des chiens ne mangeraient
pas ça. Tout le monde jette ses plats et ne mange pratiquement rien.
C’est abominable, c’est invivable. Y’a des gens qui sont malades, y’en a
qui font des crises d’épilepsie. Y’en a un qui a fait une crise
d’épilepsie et les policiers ont dit que c’était pas vrai, qu’il faisait
semblant. Quand le médecin est arrivé, il a confirmé que c’était une
crise d’ épilepsie parce que les policiers ne voulaient pas y croire. Il
est parti à l’hôpital de Meaux et ils l’ont ramené ici. Mais maintenant
il est dépressif, enfin ils lui donnent des antidépresseurs, il mange
des cachets pour dormir. Ça fait dix jours que je le connais, il était
normal avant et là c’est devenu pratiquement... un fou ! Il se comporte
maintenant comme un malade, il peut pas dormir sans cachets. Des fois, à
-2°, il enlève ses pulls, il se met torse-nu et il se met à courir la
nuit. Y’a personne qui veut lui donner au moins un médicament, parce que
s’il ne prend pas de médicaments il ne peut pas dormir. C’est invivable.
Quand je vois des personnes comme ça, j’espère que je vais pas finir
comme lui, j’ai peur de finir comme lui. Ça fait deux jours que j’ai pas
mangé parce que la bouffe, tu peux même pas la donner à ton chien. On a
fait deux pétitions aujourd’hui, hier on a fait une pétition et on a
reçu aucune réponse. »
Nous avons appris que cette personne s’est faite expulser le lendemain.
Ses co-retenus racontent que les policiers sont venus le chercher à 6h
du matin et qu’il a été scotché avant d’être emmené.
fermeturetention@yahoo.fr"