"Le 6 avril, à l’université de Paris Dauphine M. Masuda, ancien directeur à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) devait parler de « la catastrophe nucléaire de Fukushima du 11 mars et ses suites ». Une vingtaine d’individus s’est invitée à la conférence, a lancé des œufs de peinture, insulté les participants, éclaté quelques boules puantes et laissé une cinquantaine de tracts (voir ci-joint).
Spéciale dédicace aux compagnons italiens que l’Etat aimerait mettre au pas. Ce même jour en effet, dans 16 villes d’Italie, 300 flics menaient 60 perquisitions parmi des compagnons, sous l’accusation d’« association de malfaiteurs à finalité terroriste », la presse parlant de diverses attaques contre l’ENI (équivalent italien d’EDF), contre des entreprises et associations humanitaires collaborant à la machine à expulser, contre divers groupes d’extrême-droite… 5 personnes ont été incarcérées, 26 personnes mises en examen, et le local anarchiste Fuoriluogo à Bologne a été mis sous séquestre.
Leur répression n’arrêtera pas la lutte ! Contre le nucléaire et son monde et tous ceux qui voudraient nous enchaîner !
Voici le texte laissé à la conférence :
« A l’heure où un pays entier s’enfonce pour des dizaines d’années dans le développement durable de la mort qu’engendre nécessairement le nucléaire, ici, c’est dans l’ambiance studieuse et conquérante d’une faculté de « pointe » qu’on vient réduire le désastre à un nouveau défi à surmonter. Ainsi, le Centre Géopolitique de l’Energie et des Matières Premières (CGEMP), outil de propagande universitaire créé par un ministre pour justifier les choix énergétiques des entreprises et de l’Etat français, nous fait la grâce d’inviter le grand spécialiste Tatsuo Masuda. Il vient parler de la catastrophe nucléaire de Fukushima, du 11 mars et de ses suites.
Sans doute, l’expert en mal de fans aura-t-il dû revoir un peu sa copie. Il ne pourra plus faire la même leçon. Il ne pourra plus comme c’était le cas juste avant vendre le modèle économique nippon. Il ne pourra plus affirmer que le « Japon s’est développé comme la société au monde la plus efficace énergétiquement ». Invitant même à tirer des enseignements de ses cours, il ne pourra plus fièrement tenir un discours où le « Japon pourrait offrir un modèle pour le monde dans les efforts internationaux pour minimiser l’impact des activités humaines sur la planète à travers la mise en œuvre de politiques énergétiques et environnementales ».
C’est certain, cette page-là est tournée. Mais Tatsuo a de la bouteille dans les petits arrangements avec la vérité pour que les intérêts économiques des puissants demeurent inchangés. Il a d’ailleurs une belle carrière de pourri en la matière. Prof qui vend son conseil à des boîtes comme JAPEX ou la Japan Petroleum Exploration, il prend du galon en multipliant les casquettes. D’un côté, il bosse pour l’industrie mortifère du pétrole en étant vice-président de la Japan Oil Corporation (JNOC) (début 2000), de l’autre pour la recherche non moins mortifère à l’Asia Pacific Energy Research Center (APERC). Diplomate depuis 1972, il cherche aussi à occuper un rôle de conseiller du prince en matière de pétrole et de politique énergétique, s’assurant que ce monde continue son entreprise d’empoisonnement généralisé. Il est donc normal de le voir à un poste de directeur à l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) entre 1996 et 2001.
Pour les auditeurs qui sont venus l’écouter, son parcours est rassurant, il vient apporter du crédit à ses paroles. Dans leur univers qui marche les pieds sur la tête, c’est même quelque chose de respectable. C’est sûr que quelqu’un qui a travaillé pour l’AIEA est bien placé pour parler d’une catastrophe dont cet organisme est en partie responsable. N’est-ce pas cette institution qui a fait un incessant travail de lobbying et de chantage depuis son existence en 1956 pour l’utilisation de l’énergie nucléaire concernant la production d’électricité ? N’est-ce pas elle qui a toujours voulu cacher les liens entre le civil et le militaire en faisant semblant de s’opposer à la prolifération des armes nucléaires, alors qu’elle ne faisait qu’avaliser le choix d’un petit nombre d’Etats de rester maîtres en la matière ? N’est-ce pas elle qui refuse aujourd’hui de considérer comme des armes atomiques les missiles à l’uranium appauvri massivement utilisés en Irak et maintenant en Libye promettant des désastres sur la santé des populations qui ont le malheur de vivre là et ce, pour des générations et des générations ? N’est-ce pas elle qui a institutionnalisé le mensonge concernant les conséquences de la radioactivité sur la santé, sujet dont elle a réussi à obtenir le statut de « secret défense », faisant des accords avec l’OMS, surveillant toutes les recherches en la matière, censurant les conclusions des rapports, et quand ce n’est pas possible, niant les vérités les plus flagrantes ? N’est-ce pas elle qui a menti et ment toujours sur les retombées de Tchernobyl en minimisant encore en 2001 ce massacre à 31 morts, 300 malades souffrant d’irradiation aiguë et 2000 cancers « évitables » de la thyroïde chez l’enfant ? N’est-ce pas elle qui fait passer sa mission pour une œuvre de pacification alors que la sûreté des installations nucléaires comme l’après-catastrophe implique une gestion militaire ?
Mais si la grande AIEA, comme le ridicule Tatsuo sont bien obligés de revoir leur discours après la catastrophe de Fukujima, ni l’une, ni l’autre ne remettront l’essentiel en cause. Après un Conseil des gouverneurs le 21 mars à Vienne, Yukiya Amano, le directeur général de cette agence à la botte de l’ONU se contente de déclarer qu’il faut réexaminer « le cadre actuel de réponse aux situations d’urgence », qui a été « dans les grandes lignes conçu suite au désastre de Tchernobyl en 1986, avant la révolution de l’information ». Autrement dit, l’AIEA ne veut surtout pas prôner l’abandon de cette technologie, elle entend juste améliorer la communication en cas de catastrophe. C’est la rançon du « progrès ». Tant pis pour les Japonais réduits à n’être que des bestiaux gérés militairement, confinés, évacués, contraints à une vie en camp. Tant pis pour tout ceux qui sont en train de crever à petit feu et qui ont comme seule perspective d’obéir aux autorités sous peine de mourir encore plus vite. Quant à Masuda, étant donné son pedigree chez les nababs du pétrole et de l’énergie, ce n’est pas lui qui va dire un mot sur les appétits dévorants du capitalisme dont la catastrophe de Fukushima n’est qu’une des conséquences. Il n’y a rien de plus à attendre ici même dans ce temple de l’économie, où quasi tous espèrent tirer leur épingle du jeu. Ils ne peuvent que trop bien s’accommoder du jeu actuel. Tant qu’ils sont en haut, ils se fichent éperdument de tous ceux qui sont en bas. Tant qu’ils peuvent éveiller ce qu’il leur reste de sensations dans une consommation vide de sens, l’administration du désastre peut continuer.
Dans ce cadre, il est donc complètement irrationnel de parler de liberté, d’autonomie individuelle, de réciprocité, de tout ce dont le nucléaire et son monde nous prive chaque jour un peu plus. La seule chose raisonnable qu’il y ait à faire avec des pourris, c’est de les pourrir. »"
http://grenoble.indymedia.org/2011-04-09-Contre-le-nucleaire-et-son-monde