"« Chaque jour ajoutait un deuil à notre deuil ;
L’image du veau d’or tapissait chaque seuil ;
C’était le dieu d’alors, et l’unique croyance,
Le talisman qui seul donnait force et puissance » [1]
Joseph Déjacque naît le 27 décembre 1821 au cœur du Paris populaire, dans le faubourg St-Antoine. Louis XVIII, le frère de Louis XVI décapité en 1793, gouverne encore le pays pour trois ans. Un autre de ses frères, Charles X, lui succédera jusqu’en 1830.
Très tôt orphelin de père, Déjacque poursuit des études primaires à l’école Salives de la rue Lenoir (aujourd’hui d’Aligre), où sa mère travaille comme lingère pour arriver à payer sa pension. Entré en 1834 à l’âge de 12 ans comme apprenti en commerce de papiers-peints dans une manufacture de la rue Lenoir, il devient de 1839 à 1841 commis de vente chez un négociant du boulevard des Capucines.
Cela fait alors neuf ans que l’écrasement des Trois Glorieuses de Juillet 1830 [2] a amené au pouvoir Louis-Philippe, rejeton d’une autre branche de la famille royale. En 1841, tandis que sa mère est désormais gouvernante à Montrouge chez un marin en retraite, Déjacque s’engage à son tour dans la Marine. Il découvre les mers d’Orient (peut-être à bord de la frégate le Calypso), mais surtout l’autoritarisme militaire. Quinze ans plus tard, le bilan de cette expérience sera résumée en deux mots dans son journal Le Libertaire (n°5, 31 août 1858) :
– Un chef a toujours raison
(Paroles d’un capitaine de corvette à un matelot)
– L’autorité a toujours tort
(L’ex-matelot)
De retour à la vie civile en 1843, Déjacque exerce toujours comme commis à appointements dans un commerce de papiers peints et veloutés, rue Louis-le-Grand. Ses employeurs successifs le décrivent « d’une fierté et d’une indépendance excessives », jusqu’à ce qu’une violente dispute avec son dernier patron mette fin en 1846 à toute possibilité de travailler comme vendeur. Il ne trouvera plus, désormais, d’autre tâche que celle d’ouvrier-colleur ou peintre. Cette année-là est aussi le début d’une crise économique mondiale, qui voit le chômage et la mortalité augmenter. En 1847, des révoltes éclatent dans plusieurs bassins industriels, comme à Tourcoing, Lisieux, Mulhouse, Amiens ou Roanne, tandis que les mauvaises récoltes de 1846 entraînent des disettes à la campagne. Enfin, la guerre de conquête de l’Algérie s’éternise depuis bientôt dix-sept ans dans une indifférence générale, tout en commençant à grever sérieusement le budget de l’Etat.
Souvent sans travail après son renvoi, Déjacque qui a 25 ans en 1847, écrit ses premières poésies sociales."
La suite à lire ici : http://non-fides.fr/?Dejacque-ou-la-passion-anarchiste
[Introduction à Joseph Déjacque, Autour de La question révolutionnaire, Mutines Séditions, janvier 2011, pp. 5-32]